Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/11

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Gautier me criait si drôlement : « Fais-toi ténor… Pourquoi ne te fais-tu pas ténor ? » Ernesta Grisi l’appuyait maternellement. « Soyez ténor, Émile ! » Mais je la regardais, la petite fermière, et j’entendais les vers à soie tisser sa maisonnette solitaire.

Ce fut Catulle Mendès qui nous dénicha, rue de Trévise, un appartement à peu près, comme on dit, dans nos moyens, en langue de locataire. Oh ! l’incroyable appartement ! Il se composait d’abord d’un escalier intérieur, tournant comme ceux des restaurants, et dont le tire-bouchon concluait la cage du grand escalier de l’habitacle. Ce « piranèse » nous était propre et le concierge lui-même n’y avait accès qu’en tirant la sonnette. Il menait à trois chambres sans portes, en enfilade, et de plafond si basses qu’un huissier malappris y eût salué tout seul automatiquement, faute d’y pouvoir garder son chapeau sur la tête. Ces trois chambres n’étaient séparées du couloir de service, où s’ouvraient les logis des domestiques de l’immeuble, que par une cloison planchéiée au travers de laquelle sonnaient les moindres bruits de corridor. Pour la cuisine, elle était dans le « piranèse ».

— Vous serez là comme des anges, nous avait dit Catulle, au centre de la ville, et le petit escalier est à lui seul une merveille !

— Nous en ferons notre salon ! m’écriai-je, emballé par son enthousiasme.

Et nous allâmes chercher notre mobilier à Neuilly. Il n’y fallut qu’un seul voyage et une voiture à bras, louée à un auverpin du quartier. Mais si le lit, démonté, passait dans le « piranèse », l’armoire à glace n’y passait point. Il résistait, ou c’était elle ; mais