Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/154

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pelait lui-même le « panpignouflisme ». J’ai connu deux hommes de l’élite qui ont été les martyrs du panpignouflisme pendant toute leur dure vie de labeur et de chefs-d’œuvre, car la Révolution de 89 a tout donné à ce peuple excepté le goût du Beau et ses méprises littéraires sont plus désespérantes que jamais. Mais le premier de ces deux maîtres s’en était consolé avant sa mort. Moins philosophe peut-être que son ami Théophile Gautier, le pauvre Flaubert n’était point encore résigné, ses lettres en font loi, quand il partit pour le repos.

Il faut avouer aussi qu’il en avait enduré d’effroyables, et notamment au théâtre. On aurait beau regarder la colonne pendant douze mois consécutifs, et sans boire ni manger, il n’y a pas de quoi être fier d’être Français lorsqu’on songe qu’un Gustave Flaubert n’a jamais pu faire jouer à Paris une féerie signée de son nom, et qu’il a succombé à la peine !

Un ministre même, un ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, qui passait pour lettré et libéral, n’a pas trouvé, en onze mois, le temps ni le courage d’intervenir dans un pareil scandale, de donner cette modeste satisfaction à un grand homme, à un bon homme, à un ami, à un vieillard presque ruiné, et de soulager notre conscience nationale de cette honte !

Une féerie ! Ah ! grand Dieu ! par le temps d’exhibitions infâmes, d’une bêtise à guillotiner, qui courait alors, qui court encore, une féerie de Gustave Flaubert refusée par tous ces planteurs, fouailleurs de nègres quand ils ne sont pas négriers, que l’on appelle des directeurs, et rendue à l’auteur de Salammbô « sous des prétextes littéraires ! » Et M. Bardoux