Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/185

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de la presse, oui, Monsieur, malveillances ! Je sais ce que je dis en employant ce terme : malveillances.

D’autant plus interloqué par l’apostrophe que l’article était dithyrambique, je repris pied pour répondre : — Mon cher maître, vous me rappelez Mirabeau. Quand on l’appelait Riquetti, il s’écriait : « Vous déroutez l’Europe ! » Mais l’erreur typographique dont vous me chargez s’excuse d’une autre parallèle qui vous incombe. Le Moniteur est à Dalloz et le Journal officiel est à Wittersheim, vous en restez à l’Empire.

Meissonier, c’est à n’y pas croire, m’a boudé toute sa vie de ce lapsus du correcteur du quai Voltaire, où il voyait un signe de haine indéniable de ceux que Galliffet appelait : les traîneurs de plume.

— Il est un peu rageur, comme tous les timides, sourit M. Francis Petit en m’invitant à m’asseoir, mais soyez sûr qu’il a été très touché de votre article. Il ne sait pas complimenter, et c’est quand il est content qu’il bougonne. Quel drôle de petit homme que ce grand artiste ! À présent, causons. Votre étude de l’Officiel est précisément ce qui m’a décidé à vous écrire. Elle est d’un expert consommé. Voulez-vous faire des catalogues ?

— Des catalogues ?… De quoi ? De chaussures ?

— Non de tableaux, pour nos ventes, à l’hôtel Drouot ?

— Ah ! mon Dieu !… En vers alors ? fis-je ?

— Oh ! pas si vite.

M. Francis Petit, avec sa tête fine de notaire subtil et ses manières affables, était l’un de ces hommes, toujours et partout si rares, qui dégagent le magnétisme de la droiture et de la bonté. Doué d’un sens acéré des choses de l’art, il s’était fait tout seul, par