Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/194

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pre, et non, hélas, au figuré, que j’ai tenu un jour la plume d’Ivan Tourgueneff et que je l’ai trempée dans son encrier.


préface du catalogue

La place serait mal choisie, et, en tout cas, insuffisante pour expliquer aux profanes de l’Hôtel des ventes qui est Ivan Tourgueneff, s’ils l’ignorent, et leur dire, s’ils le savent, qu’ils ont affaire ici à un maître considérable des Lettres de ce temps. Ce grand écrivain de la langue russe est l’un des romanciers les plus puissants de l’âge d’or du roman, et la plupart de ses ouvrages ont influé de quelque manière sur les destinées sociales de son pays, par conséquent sur son histoire. Les Mémoires d’un chasseur furent pour le servage en Russie ce qu’en Amérique La Case de l’Oncle Tom avait été pour l’esclavage nègre. L’ukase du 1er février 1861 qui rendit libres vingt-cinq millions de moujiks n’a probablement été inspiré au libéralisme de l’Empereur Alexandre que par ce livre ardent et magnifique.

Ivan Tourgueneff a été aussi le Jérémie du nihilisme dont il reconnut le mouvement redoutable dès la guerre de Crimée et que, le premier, il signala à l’Europe. Patriote russe, il en avait compris le danger pour son pays et, condensant toutes les forces de son talent, il tenta de l’enrayer par un livre, Pères et Enfants, d’une ironie poignante, et jusqu’à ce jour son chef-d’œuvre. Il eut un retentissement immense et suscita à son auteur de rudes inimitiés, non encore apaisées peut-être. Il n’y a pas d’Hercule contre une avalanche, et, son cri jeté et perdu, Tourgueneff en