Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/235

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Ainsi se trouvait justifiée la fameuse vignette du petit poulet assis de traviole sur un bâtonnet, c’est-à-dire mal assis, qui était la marque et la devise de l’excellent homme.

En général, dans la vitrine, ces princeps étaient ouverts sur le frontispice, et ce frontispice, alléchante allégorie à l’eau-forte, qui semblait sonner aux bourgeois la fanfare des gloires poétiques nouvelles, était signé : Félicien Rops. C’est ainsi que pour ma part, jeune débutant avide des choses de l’art contemporain, je connus le nom de l’artiste, et pendant de longues années je n’en sus rien davantage. « C’est une espèce de tsigane belge qui satanise », me disait Alphonse Daudet, lequel édité lui-même, avec Léon Cladel, chez Poulet-Malassis, y avait aperçu une ou deux fois le graveur mystérieux. Je vous parle là de l’an 1865, — Eheu, Postume, comme dit Horace.

Quelque quinze ans plus tard, dans les bureaux de rédaction de La Vie Moderne, à l’autre bout du passage Mirès, devenu passage des Princes, Armand Gouzien vint un jour m’aviser qu’il me présenterait un Mormon. — Comment, fis-je, un Mormon ? Est-ce que le Lac-Salé s’abonne ? — Mieux encore, le Lac-Salé collabore ! — Et le lendemain, j’eus la visite d’un personnage singulier et inoubliable, remuant, vibrant, bavard et soliloquiste, dont la chevelure brune et drue, la moustache effilée, les allures souples, l’allégresse rieuse et sarcastique, fixaient l’âge à la trentaine. Il s’était tout de suite et très simplement imposé par une autorité innée et naturelle qui est le signe de la maîtrise, et il me contait un voyage en Hongrie, d’où il arrivait, avec