Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/244

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l’honneur de la reprise d’Hernani à la Comédie-Française, — banquet où le Père, un peu troublé, promulgua l’adage mémorable : « Dans con-frères il y a frères », lapsus sinaïque, — la chance du placement aidée de rapprochements sympathiques, m’avait accoté à Monselet à l’un de ces bouts de table où les discours n’arrivent que tamisés.

— Avant toute chose, me dit-il en s’asseyant, as-tu les douze deniers de cette Cène eucharistique ? Je te le demande en raison du cours moyen de la copie au siècle de M. Thiers. Ensuite, réponds, on ne festine dans les arts que pour embêter un con-frère. Qui embête-t-on par ce déjeuner cher ? — Je ne sais pas, Zola peut-être ? Mais attendons la palabre d’Edmond About, c’est lui qui préside.

Et le service roula. Hors de surveillance, le faux gastronome n’y faisait aucun honneur et le Périgord empilait vainement sur son assiette les diamants noirs du Tubercule. — Es-tu malade ? — Non, mais ne le dis pas, j’ai déjeuné prophylactiquement avant de venir. Mes deux œufs à la coque et la côtelette ordinaire. — Comme à Sparte ? — Toujours. Je crains la sauce verte et n’ai pas d’autre crainte. Mais comment va-t-on faire ? — Pour fumer hein ? — Tu m’as compris.

C’était, en effet, la préoccupation et le souci des six cents chevaliers de la Table Ronde hernanique. Le roi Artus horrifiait le tabac et, chez lui, il poursuivait les fumeurs à coups de serviette, telle la Justice prud’honnienne chasse le crime initial de notre espèce.

Pour atteindre à ce moment dramatique dont la péripétie tardait interminablement, Monselet se livra