Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/252

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À la fin de cette soirée de Tavistock-Square, et quand Barbelion fut rentré dans son antre, au fond des bois, Vallès se déboutonna tout à fait, et il nous raconta la Commune, mais la vraie. Oh ! quelle Commune et quel dommage qu’il n’ait pas eu le courage de l’écrire, celle-là au lieu de l’autre. De toutes les histoires que j’en ai retenues, je ne conterai que celle-ci, car elle me semble caractéristique.

— On vient un jour à la Place, racontait Vallès, m’annoncer une sinistre nouvelle ! « Commandant Vallès, me dit un fédéré, le citoyen Benoît vient d’être tué sur les remparts par un obus versaillais. Le bataillon lui fera demain des funérailles pompeuses, auxquelles assistera la famille. On compte sur un discours de vous. » Il fallait m’exécuter, quoique je ne connusse pas le brave Benoît. Je l’ignorais absolument. Mais l’éloquence n’a pas été inventée pour des prunes. Arrivé au cimetière, je me dirige vers le bord de la tombe, et je commence. Mais j’avais totalement oublié le nom du héros, de telle sorte que, n’osant pas le demander à la famille, je m’écriai à tout hasard : « Adieu Bertrand ! Dors en paix, brave Bertrand !… » Si tu avais vu la tête des patriotes… Il paraît que ce Benoît était célèbre.