Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/302

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dieu du Walhalla même, riche à millions, prince de la famille impériale de notre vainqueur et qui allait être, en sortant de chez Nadar, gouverneur d’Alsace-Lorraine, était le troisième et suprême mari — Clio, avale tes tablettes ! — de l’hoffmannesque momie. Il l’avait épousée à son jour par amour, et de la main droite, s’il vous plaît. Ne me parlez pas de votre Ninon de Lenclos, le dix-neuvième a mieux à vous offrir. À soixante-cinq ans la Païva « faisait » encore un Hohenzollern !

Je n’ose même pas vous dire tout ce que j’en pense. On croit au vampirisme ou on n’y croit pas, j’y ai cru à ce concert. Si la terrible lémure qui tenait si ostentatoirement ce Siegfried en servage n’était pas une morte avérée c’est qu’il y en a qui reviennent au clair de lune pour boire le sang des cuirassiers blancs. Elle en avait la pourpre aux lèvres, et tout le reste était livide, vitreux et en dégel. Elle est allée ainsi de gorgée en gorgée, jusqu’à la soixante-douzième année, et quand Dieu la reprit, puisqu’il les reprend, on ne sut ce qu’était devenu, avec l’âme de ce corps le corps de cette âme car elle n’eut pas de tombe et elle ne gît pas en terre sainte.

Des débuts de Catherine II on a des documents, vrais ou faux, n’importe, mais on en a, et c’est le principal. Sur la Païva on n’a rien, on patauge dans l’hypothèse, et quelle hypothèse ! — Elle est certainement née, me disait Adolphe Gaiffe, d’une sorcière et d’un manche à balai. — On croit qu’elle était circassienne, ou irlandaise, ou batignollaise peut-être, mais jolie, charmeresse et intelligente à damner des Pères de l’Église. Le seul homme qui eût été à même de dire quelque chose de son étal civil était le