Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/328

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d’avoir appartenu à Sémiramis. Je ne trouve pas mieux à vous dire. — Il me confie qu’on attendait la première gelée pour l’inaugurer autour du Lac. Mais il n’a pas gelé cet hiver à Paris, soupire-t-il, et je lui offre mes condoléances. — Espérons que l’année prochaine !… — Oui, les années se suivent et ne se ressemblent pas. — À qui le dites-vous ! — Je deviens stupide.

Il en profite pour me présenter à ses chevaux — Aimez-vous les chevaux ? — Vous le demandez ! Un critique d’art ! — La vérité est qu’il y faudrait un porte-lyre. Ces boxes sont réellement superbes, avec leur propreté holl… j’allais gaffer. D’un côté les chevaux anglais, de l’autre, les chevaux français, car ils ne hennissent pas la même langue. Je relève des noms, Printemps, Jacks, Perfumer. Il y a là un horseman qui, toute la journée, les bouchonne et les bichonne. Il les adore. Mais il ne salue pas le maître, ni ses hôtes. Il les méprise. Il ressemble à Diomède, un hippolâtre grec, qui les nourrissait de chair humaine. Il y en a un, Perfumer, qui renifle déjà la glycérine. Chacun de ces boxes est une étable à la paille toujours fraîche où les rois mages peuvent venir. Les moineaux n’y trouveraient pas leur nourriture. Au centre, une vasque d’eau vive, montée sur granit rose, où s’incrustent en mosaïque des chasses au sanglier, au renard et au cerf, à tout enfin ce que ne protège pas la loi Grammont. Et là, point de Chaplin. Ouf ! ça repose tout de même.

Tout à coup il entre dans une fureur terrible. Un bec de gaz, oublié depuis la nuit, brûle encore en plein jour. On veut donc le ruiner à la longue. Personne ne bouge et il l’éteint lui-même.