Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/84

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coup d’État, nous arrivâmes à Jersey, j’y trouvai beaucoup de vieux livres du dix-septième et du seizième siècle, en latin pour la plupart, qu’y avaient apportés et laissés les protestants émigrés et chassés eux aussi par les persécutions ou les tyrannies. On les donnait au poids du papier. J’en sauvai le plus que je pus et de ce nombre étaient les œuvres de Chiclard, ou Chiclardus, bien malheureusement incomplètes. Si incomplètes qu’il n’en restait qu’un tome, le douzième, mais le bon, puisqu’il traitait des comprachicos, voleurs et déformateurs d’enfants. De ce bouquin dépareillé est sorti L’Homme qui rit. Voilà. — Je pars, s’est écrié Monselet. Je vais aux îles. Je les ravagerai, mais je dénicherai les onze autres tomes de Chiclardus. Oh ! Chiclardus, adieu, maître, je ne dormirai plus !

« Mme Drouet se lève. Victor Hugo reconduit ses hôtes jusque dans l’antichambre. Il aide les dames à revêtir leurs pelisses et leurs mantilles, sans négliger, selon le protocole, de leur baiser la main jusques à la saignée, adresse à chacune d’elles un compliment, et la porte se referme. »

Tel fut notre premier dîner rue de Clichy chez Victor Hugo, et mes notes me l’ont fait revivre.