Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/88

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pointe des fesses, résume les opinions émises, rend hommage au génie du maître comme le prêtre encense l’autel avant d’y monter, et ouvre le robinet. D’ailleurs un esprit caustique, une belle voix claire et chaude, et du trait. Quand j’aurai un procès avec un imbécile, c’est à Me Cléry que je m’adresserai ; mon adversaire pourra gagner sa cause, mais il s’en ira lardé.

Louis Blanc voudrait croire, mais il ne peut. Son esprit est façonné à la méthode et aux constatations du réel et du tangible. Il n’a point de renseignements suffisants, il s’abstient avec un sourire. Quel homme fin que ce petit homme et quel grand esprit lucide, calme et pratique !

Victor Hugo prend la parole. Un silence respectueux s’établit, c’est très solennel.

« L’homme n’a pas besoin de religion, quelle qu’elle soit. Les prêtres de toutes les religions sont haïssables. Les fables religieuses étaient bonnes pour l’enfance de l’humanité. Mais l’humanité a grandi, elle peut et elle doit s’en passer désormais. Pour elle, il y a le vrai, et le vrai, c’est Dieu, principe de tout et qui suffit à tout. Le moi est immortel, c’est incontestable. Le moi, c’est le point géométrique, c’est le nécessaire. Qu’il se transforme d’une manière ou d’une autre, en ceci ou en cela, peu importe. Ce qui importe, c’est qu’il survit et vit. On se reverra sous une espèce inconnue, imprévue, peut-être, mais on se reverra. »

Ici le poète s’est soulevé de terre et il est allé aux étoiles. Ce fut magnifique à entendre, et c’est impossible à rendre. Son idée de la vie éternelle est celle-ci que nous devons mourir sur terre pour faire