Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/17

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autres. Elle était vêtue de vert glauque et ne marchait pas sans une pique, avec laquelle elle s’amusait à larder le pauvre monde. Quant à Druon Antigon, il coupait simplement, avec sa hache, les poignets aux navigateurs récalcitrants et jetait leurs mains aux anguilles de l’Escaut. La belle Octroie avait inspiré une violente passion à Salvius Brabon, gouverneur du Brabant, et officier de Cæsar ; mais celle-ci n’aimait que l’argent, et de tous les talents que pouvait posséder un jeune homme, elle n’appréciait que les talents d’or. D’ailleurs, en qualité de Saxon, le géant Antigon détestait déjà la race latine. Il refusa donc carrément de donner Octroie en mariage à Brabon, ce qui mit celui-ci dans une fureur abominable. Il résolut de se venger de ce coupeur de mains qui lui refusait celle de sa fille. Ayant embarqué sa légion sur des trirèmes, il traversa l’Escaut et vint assiéger le château d’Antigon. Le géant, aidé de sa fille, se défendit avec une grande intrépidité ; la belle Octroie, avec sa pique armée d’un crochet, faisait la besogne de dix soldats. Enfin le castel fut emporté. Salvius Brabon fit amener Antigon sur le sommet de la tour et lui renouvela ses propositions : « Veux-tu de moi pour gendre, lui dit-il, une fois, deux fois ?… — J’aime mieux mourir ! répondit Antigon. — Qu’on lui coupe la main droite à son tour ! s’écria alors le lieutenant de Cæsar. » Et quand cette main fut coupée, deux hommes la prirent et la jetèrent aux anguilles de l’Escaut, qui en déjeunèrent pendant deux jours, tant cette main était grande et gigantesque. La suite de l’histoire est facile à deviner : Brabon épousa cette Octroie, que d’autres chroniqueurs ont nommée Douane,