Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/50

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mirable tableau qui décore la chapelle de l’église Saint-Jacques, à Anvers ; il est placé, sur sa volonté expresse, au-dessus de son propre tombeau. C’est une Sainte-Famille accompagnée d’un saint Georges, ou plutôt ce n’est rien qu’un assemblage de portraits. Rubens y a représenté tous les siens, tous les êtres qu’il a aimés, son père, ses deux femmes, ses filles et ses garçons, jusqu’à sa nièce, la belle Mlle Lunden, dont il fut épris, dit-on. L’ouvrage est extrêmement soigné et l’on voit que le maître y a dépensé toute la conscience de son génie. Tout ce qu’il y a eu de doux et de charmant dans sa vie si brillante, si fastueuse, pleine de gloire et de succès ininterrompus, l’artiste l’a résumé là avec une émotion évidente ; il a groupé tous ses amours autour d’un enfant chéri, qui fut le sien, et il assiste lui-même, sous la cuirasse de saint Georges, à cette apothéose intime. Mais afin que nul ne se trompe sur la portée de son œuvre et que nul ne se méprenne sur le caractère de son génie, il a placé dans l’ex-voto un portrait de son Hélène Fourment, décolletée jusqu’à la ceinture, et étalant aux regards le plus triomphant morceau de chair blanche et rose qui ait jamais été peint et modelé par la main d’un naturaliste décidé et convaincu.