Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/53

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dans cette « ruelle du Lambin » où M. Vosmaer estime qu’il la faut chercher. C’est à Harlem, le dimanche, qu’il faut aller pour savoir ce que c’est que la propreté hollandaise ! De quelque côté qu’il darde ou qu’il se reflète, le soleil ne rencontre que facettes et surfaces luisantes. Il n’est pas trop de dire que le vent ne balaye pas un grain de poussière dans les rues. Les maisons qui bordent ces rues et dont la construction remonte, pour la plupart du moins, à la fin du seizième siècle, ont été, la veille, frottées, astiquées, lavées à grande eau de la base au faîte, et n’était leur manque d’équilibre et leurs tassements dans un sol friable et saturé d’eau, on les croirait bâties d’hier par un architecte d’humeur archaïque. La lutte est certainement inégale entre la morsure du temps et ce nettoyage hebdomadaire qui dure depuis trois siècles. Aussi Harlem a-t-elle l’air de sortir, comme on dit, d’une boîte.

À mesure que nous avancions vers la place centrale, jetant à droite et à gauche des regards curieux dans la profondeur des rues transversales et des canaux bordés d’arbres énormes, coupés par des ponts à bascule et semés de moulins ventrus, nous avions le sentiment bizarre d’être en pays de connaissance. Ces échappées pittoresques, ce bois à l’horizon dans les ombres duquel se cachent de discrets béguinages, ces coins colorés, ces cours entrevues par des entrebâillements de portes et jusqu’à ces intérieurs mal défendus par leurs paravents de tulle et trahis par les miroirs-espions, tout cela avait pour nous un aspect de déjà vu. Le caractère nous en était familier. C’était bien la première fois cependant que