Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/65

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voulons parler de cette réunion des officiers et sous-officiers des arquebusiers de Saint-Georges que Fromentin, on ne sait trop pourquoi, trouve inférieure aux autres ouvrages du maître. Hals s’y est représenté, lui vingtième, parmi les sous-officiers de la guilde. C’est lui que l’on voit au fond, derrière le porte-étendard, avec ce grand nez d’aigle solidement attaché à l’arcade sourcilière, ces cheveux longs tombant sur les épaules, ce regard puissant et scrutateur, les lèvres cachées par une moustache drue et le menton voilé par une barbiche. Ce n’est plus le gai compère de Lysbeth, souriant au bonheur d’aimer et d’être aimé : il est grave, pensif, presque préoccupé, et l’expression est celle d’un homme conscient de sa force et de son autorité.

Il serait fort intéressant de retrouver aujourd’hui le portrait que van Dyck fit de Hals en 1632. On sait, en effet, que lors de son départ pour l’Angleterre, van Dyck s’arrêta à Harlem pour y visiter celui qu’il tenait, après Rubens son maître, pour le plus grand artiste de son temps. Peut-être bien désirait-il encore juger par ses propres yeux de la rapidité d’exécution tant vantée qui caractérisait le travail de son confrère. Il se présenta donc incognito chez Hals, et se donna pour un grand seigneur de passage qui voulait avoir son portrait sans retard et l’emporter en Angleterre. Frans Hals se mit à la besogne et en deux heures le portrait fut terminé. Ce portrait, garant de l’anecdote, existe encore, et il a été gravé par D. Coster. Émerveillé de l’habileté du maître, le faux voyageur le pria de lui accorder une faveur : « Je suis moi-même peintre amateur, lui dit-il, et j’aimerais à conserver vos traits en sou-