Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/70

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Et à ma vive surprise il me loue de ne pas m’être obstiné à comprendre.

— Ceux qui se disent pris du premier coup, reprend-il, sont des farceurs ou des imbéciles, fussent-ils des peintres, et c’est Rembrandt qui les contredit par la nature même de sa recherche où se résume toute une vie de sorcellerie artistique. Personne ne sait et ne saura jamais comment elle est peinte, la « Ronde », de quelles couleurs, par quel procédé, ni la part de collaboration prévue que le temps a dans l’ouvrage. Elle n’est pas faite pour le public.

— Comment ? Explique.

— C’est un bon signe que tu n’y aies vu goutte et je t’en félicite. Tu es un vrai critique d’art.

— Te paies-tu ma tête ?

— Non, et je te le répète, pas plus aujourd’hui que demain et demain qu’en 1642, la « Ronde », peinte par Rembrandt pour lui et non pour d’autres, ne s’adresse à tous les yeux et ne sollicite l’admiration publique. Elle s’en f… de l’admiration publique. Tu sais que le capitaine Franz Banning Cock qui y est portraituré et qui en avait fait la commande en fut si mécontent qu’il refusa la livraison, et même qu’il demanda une autre toile à van der Helst ? Tu n’étais donc pas forcé d’être du premier coup plus malin que le capitaine. Il faudra y retourner, voilà tout, une fois, trois fois, dix fois, jusqu’au fiat lux, si Dieu te le ménage.

J’y suis donc retourné, et voici.

Apprends d’abord que la « Ronde de nuit », appelée au catalogue : « La Garde de nuit », n’est ni une garde ni une ronde et que la scène qu’elle représente