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L’ÉVOLUTION DE LA VIE

des efforts individuels eussent pu produire chacune d’elles en particulier. C’est dire que le néo-lamarckisme, pas plus que les autres formes de l’évolutionisme, ne nous paraît capable de résoudre le problème.

En soumettant ainsi les diverses formes actuelles de l’évolutionisme à une commune épreuve, en montrant qu’elles viennent toutes se heurter à une moine insurmontable difficulté, nous n’avons nullement l’intention de les renvoyer dos à dos. Chacune d’elles, au contraire, appuyée sur un nombre considérable de faits, doit être vraie à sa manière. Chacune d’elles doit correspondre à un certain point de vue sur le processus d’évolution. Peut-être faut-il d’ailleurs qu’une théorie se maintienne exclusivement à un point de vue particulier pour qu’elle reste scientifique, c’est-à-dire pour qu’elle donne aux recherches de détail une direction précise. Mais la réalité sur laquelle chacune de ces théories prend une vue partielle doit les dépasser toutes. Et cette réalité est l’objet propre de la philosophie, laquelle n’est point astreinte à la précision de la science, puisqu’elle ne vise aucune application. Indiquons donc, en deux mots, ce que chacune des trois grandes formes actuelles de l’évolutionisme nous paraît apporter de positif à la solution du problème, ce que chacune d’elles laisse de côté, et sur quel point, à notre sens, il faudrait faire converger ce triple effort pour obtenir une idée plus compréhensive, quoique par la même plus vague, du processus évolutif.

Les néo-darwiniens ont probablement raison, croyons-nous, quand ils enseignent que les causes essentielles de variation sont les différences inhérentes au germe dont l’individu est porteur, et non pas les démarches de cet