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LES DIRECTIONS DE L’ÉVOLUTION

tienne à l’état rudimentaire, ou latent, ou virtuel, les caractères essentiels de la plupart des autres manifestations. La différence est dans les proportions. Mais cette différence de proportion suffira à définir le groupe où elle se rencontre, si l’on peut établir qu’elle n’est pas accidentelle et que le groupe, à mesure qu’il évoluait, tendait de plus en plus à mettre l’accent sur ces caractères particuliers. En un mot, le groupe ne se définira plus par la possession de certains caractères, mais par sa tendance à les accentuer. Si l’on se place à ce point de vue, si l’on tient moins compte des états que des tendances, on trouve que végétaux et animaux peuvent se définir et se distinguer d’une manière précise, et qu’ils correspondent bien à deux développements divergents de la vie.

Cette divergence s’accuse d’abord dans le mode d’alimentation. On sait que le végétal emprunte directement à l’air, à l’eau et à la terre les éléments nécessaires à l’entretien de la vie, en particulier le carbone et l’azote : il les prend sous leur forme minérale. Au contraire, l’animal, ne peut s’emparer de ces mêmes éléments que s’ils ont déjà été fixés pour lui dans des substances organiques par les plantes ou par des animaux qui, directement ou indirectement, les doivent à des plantes, de sorte qu’en définitive c’est le végétal qui alimente l’animal. Il est vrai que cette loi souffre bien des exceptions chez les végétaux. On n’hésite pas à classer parmi les végétaux le Drosera, la Dionée, le Pinguicula, qui sont des plantes insectivores. D’autre part les Champignons, qui occupent une place si considérable dans le monde végétal, s’alimentent comme des animaux ; qu’ils soient ferments, saprophytes ou parasites, c’est à des substances organiques déjà formées qu’ils empruntent leur nourriture. On ne saurait donc tirer de cette différence une définition statique qui tranche auto-