Page:Bergson - Le Rire.djvu/140

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d’eau bien tranquille. Mais il n’y a pas d’étang qui ne laisse flotter des feuilles mortes à sa surface, pas d’âme humaine sur laquelle ne se posent des habitudes qui la raidissent contre elle-même en la raidissant contre les autres, pas de langue enfin assez souple, assez vivante, assez présente tout entière à chacune de ses parties pour éliminer le tout fait et pour résister aussi aux opérations mécaniques d’inversion, de transposition, etc., qu’on voudrait exécuter sur elle comme sur une simple chose. Le raide, le tout fait, le mécanique, par opposition au souple, au continuellement changeant, au vivant, la distraction par opposition à l’attention, enfin l’automatisme par opposition à l’activité libre, voilà, en somme, ce que le rire souligne et voudrait corriger. Nous avons demandé à cette idée d’éclairer notre départ au moment où nous nous engagions dans l’analyse du comique. Nous l’avons vue briller à tous les tournants décisifs de notre chemin. C’est par elle maintenant que nous allons aborder une recherche plus importante et, nous l’espérons, plus instructive. Nous nous proposons, en effet, d’étudier les caractères