Page:Bergson - Le Rire.djvu/151

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finissons, peu à peu, par nous imprégner nous-mêmes d’une émotion correspondante. On pourrait dire, — pour recourir à une autre image, — qu’une émotion est dramatique, communicative, quand tous les harmoniques y sont donnés avec la note fondamentale. C’est parce que l’acteur vibre tout entier que le public pourra vibrer à son tour. Au contraire, dans l’émotion qui nous laisse indifférents et qui deviendra comique, il y a une raideur qui l’empêche d’entrer en relation avec le reste de l’âme où elle siège. Cette raideur pourra s’accuser, à un moment donné, par des mouvements de pantin et provoquer alors le rire, mais déjà auparavant elle contrariait notre sympathie : comment se mettre à l’unisson d’une âme qui n’est pas à l’unisson d’elle-même ? Il y a dans l’Avare une scène qui côtoie le drame. C’est celle où l’emprunteur et l’usurier, qui ne s’étaient pas encore vus, se rencontrent face à face et se trouvent être le fils et le père. Nous serions véritablement ici dans le drame si l’avarice et le sentiment paternel, s’entrechoquant dans l’âme d’Harpagon, y amenaient une combinaison plus