Page:Bergson - Le Rire.djvu/160

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c’est, à notre avis, le seul de tous les arts qui vise au général, de sorte que lorsqu’une fois on lui a assigné ce but, on a dit ce qu’elle est, et ce que le reste ne peut pas être. Pour prouver que telle est bien l’essence de la comédie, et qu’elle s’oppose par là à la tragédie, au drame, aux autres formes de l’art, il faudrait commencer par définir l’art dans ce qu’il a de plus élevé : alors, descendant peu à peu à la poésie comique, on verrait qu’elle est placée aux confins de l’art et de la vie, et qu’elle tranche, par son caractère de généralité, sur le reste des arts. Nous ne pouvons nous lancer ici dans une étude aussi vaste. Force nous est bien pourtant d’en esquisser le plan, sous peine de négliger ce qu’il y a d’essentiel, selon nous, dans le théâtre comique.

Quel est l’objet de l’art ? Si la réalité venait frapper directement nos sens et notre conscience, si nous pouvions entrer en communication immédiate avec les choses et avec nous-mêmes, je crois bien que l’art serait inutile, ou plutôt que nous serions tous artistes, car notre âme vibrerait alors