Page:Bergson - Le Rire.djvu/181

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Nous revenons ainsi, par un long détour, à la double conclusion qui s’est dégagée au cours de notre étude. D’un côté une personne n’est jamais ridicule que par une disposition qui ressemble à une distraction, par quelque chose qui vit sur elle sans s’organiser avec elle, à la manière d’un parasite : voilà pourquoi cette disposition s’observe du dehors et peut aussi se corriger. Mais, d’autre part, l’objet du rire étant cette correction même, il est utile que la correction atteigne du même coup le plus grand nombre possible de personnes. Voilà pourquoi l’observation comique va d’instinct au général. Elle choisit, parmi les singularités, celles qui sont susceptibles de se reproduire et qui, par conséquent, ne sont pas indissolublement liées à l’individualité de la personne, des singularités communes, pourrait-on dire. En les transportant sur la scène, elle crée des œuvres qui appartiendront sans doute à l’art en ce qu’elles ne viseront consciemment qu’à plaire, mais qui trancheront sur les autres œuvres d’art par leur caractère de généralité, comme aussi par l’arrière-pensée inconsciente de corriger et d’instruire. Nous avions donc