Page:Bergson - Le Rire.djvu/203

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seulement il parlera de lui comme d’un étranger avec lequel il n’a plus rien de commun ; il se sera détaché de lui-même. Ne retrouverait-on pas cette confusion étrange dans certaines scènes comiques ? je ne parle pas d’Amphitryon, où la confusion est sans doute suggérée à l’esprit du spectateur, mais où le gros de l’effet comique vient plutôt de ce que nous avons appelé plus haut une « interférence de deux séries ». Je parle des raisonnements extravagants et comiques où cette confusion se rencontre véritablement à l’état pur, encore qu’il faille un effort de réflexion pour la dégager. Écoutez par exemple ces réponses de Mark Twain au reporter qui vient l’interviewer : « Avez-vous un frère ? — Oui ; nous l’appelions Bill. Pauvre Bill ! — Il est donc mort ? — C’est ce que nous n’avons jamais pu savoir. Un grand mystère plane sur cette affaire. Nous étions, le défunt et moi, deux jumeaux, et nous fûmes, à l’âge de quinze jours, baignés dans le même baquet. L’un de nous deux s’y noya, mais on n’a jamais su lequel. Les uns pensent que c’était Bill, d’autres que c’était moi. — Étrange. Mais vous, qu’en pensez-vous ? — Écoutez, je vais