Page:Bergson - Le Rire.djvu/54

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sociale devra donc renfermer un comique latent, lequel n’attendra qu’une occasion pour éclater au grand jour. On pourrait dire que les cérémonies sont au corps social ce que le vêtement est au corps individuel : elles doivent leur gravité à ce qu’elles s’identifient pour nous avec l’objet sérieux auquel l’usage les attache, elles perdent cette gravité dès que notre imagination les en isole. De sorte qu’il suffit, pour qu’une cérémonie devienne comique, que notre attention se concentre sur ce qu’elle a de cérémonieux, et que nous négligions sa matière, comme disent les philosophes, pour ne plus penser qu’à sa forme. Inutile d’insister sur ce point. Chacun sait avec quelle facilité la verve comique s’exerce sur les actes sociaux à forme arrêtée, depuis une simple distribution de récompenses jusqu’à une séance de tribunal. Autant de formes et de formules, autant de cadres tout faits où le comique s’insérera.

Mais ici encore on accentuera le comique en le rapprochant de sa source. De l’idée de travestissement, qui est dérivée, il faudra remonter alors à l’idée primitive, celle d’un mécanisme superposé