Page:Bergson - Les Deux Sources de la morale et de la religion.djvu/112

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d’un révélateur de la vie morale, ou celle d’un de ses imitateurs, ou même, dans certaines circonstances, la sienne.

Qu’on pratique d’ailleurs l’une ou l’autre méthode, dans les deux cas on aura tenu compte du fond de la nature humaine, prise statiquement en elle-même ou dynamiquement dans ses origines. L’erreur serait de croire que pression et aspiration morales trouvent leur explication définitive dans la vie sociale considérée comme un simple fait. On se plaît à dire que la société existe, que dès lors elle exerce nécessairement sur ses membres une contrainte, et que cette contrainte est l’obligation. Mais d’abord, pour que la société existe, il faut que l’individu apporte tout un ensemble de dispositions innées ; la société ne s’explique donc pas elle-même ; on doit par conséquent chercher au-dessous des acquisitions sociales, arriver à la vie, dont les sociétés humaines ne sont, comme l’espèce humaine d’ailleurs, que des manifestations. Mais ce n’est pas assez dire : il faudra creuser plus profondément encore si l’on veut comprendre, non plus seulement comment la société oblige les individus, mais encore comment l’individu peut juger la société et obtenir d’elle une transformation morale. Si la société se suffit à elle-même, elle est l’autorité suprême. Mais si elle n’est qu’une des déterminations de la vie, on conçoit que la vie, qui a dû déposer l’espèce humaine en tel ou tel point de son évolution, communique une impulsion nouvelle à des individualités privilégiées qui se seront retrempées en elle pour aider la société à aller plus loin. Il est vrai qu’il aura fallu pousser jusqu’au principe même de la vie. Tout est obscur, si l’on s’en tient à de simples manifestations, qu’on les appelle toutes ensemble sociales ou que l’on considère plus particulièrement, dans l’homme