Page:Bergson - Les Deux Sources de la morale et de la religion.djvu/352

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tellement vraisemblables qu’on s’étonnerait plutôt du temps qu’il a fallu attendre pour en voir entreprendre l’étude. Nous ne reviendrons pas ici sur un point que nous avons discuté ailleurs. Bornons-nous à dire, pour ne parler que de ce qui nous semble le mieux établi, que si l’on met en doute la réalité des « manifestations télépathiques » par exemple, après les milliers de dépositions concordantes recueillies sur elles, c’est le témoignage humain en général qu’il faudra déclarer inexistant aux yeux de la science : que deviendra l’histoire ? La vérité est qu’il y a un choix à faire parmi les résultats que la science psychique nous présente ; elle-même est loin de les mettre tous au même rang ; elle distingue entre ce qui lui paraît certain et ce qui est simplement probable ou tout au plus possible. Mais, même si l’on ne retient qu’une partie de ce qu’elle avance comme certain, il en reste assez pour que nous devinions l’immensité de la terra incognita dont elle commence seulement l’exploration. Supposons qu’une lueur de ce monde inconnu nous arrive, visible aux yeux du corps. Quelle transformation dans une humanité généralement habituée, quoi qu’elle dise, à n’accepter pour existant que ce qu’elle voit et ce qu’elle touche ! L’information qui nous viendrait ainsi ne concernerait peut-être que ce qu’il y a d’inférieur dans les âmes, le dernier degré de la spiritualité. Mais il n’en faudrait pas davantage pour convertir en réalité vivante et agissante une croyance à l’au-delà qui semble se rencontrer chez la plupart des hommes, mais qui reste le plus souvent verbale, abstraite, inefficace. Pour savoir dans quelle mesure elle compte, il suffit de regarder comment on se jette sur le plaisir : on n’y tiendrait pas à ce point si l’on n’y voyait autant de pris sur le néant, un moyen de narguer la mort. En vérité, si