Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/214

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ce qu’on pourrait appeler l’attention à la vie, et c’est pourquoi tout dépend de leur cohésion dans le travail normal de l’esprit, comme dans une pyramide qui se tiendrait debout sur sa pointe.

Qu’on jette d’ailleurs un coup d’œil sur la fine structure du système ner­veux, telle que l’ont révélée des découvertes récentes. On croira apercevoir partout des conducteurs, nulle part des centres. Des fils placés bout à bout et dont les extrémités se rapprochent sans doute quand le courant passe, voilà tout ce qu’on voit. Et voilà peut-être tout ce qu’il y a, s’il est vrai que le corps ne soit qu’un lieu de rendez-vous entre les excitations reçues et les mouve­ments accomplis, ainsi que nous l’avons supposé dans tout le cours de notre travail. Mais ces fils qui reçoivent du milieu extérieur des ébranlements ou des excitations et qui les lui renvoient sous forme de réactions appropriées, ces fils si savamment tendus de la périphérie à la périphérie, assurent justement par la solidité de leurs connexions et la précision de leurs entre-croisements l’équili­bre sensori-moteur du corps, c’est-à-dire son adaptation à la situation présente. Relâchez cette tension ou rompez cet équilibre : tout se passera comme si l’attention se détachait de la vie. Le rêve et l’aliénation ne paraissent guère être autre chose.

Nous parlions tout à l’heure de la récente hypothèse qui attribue le som­meil à une interruption de la solidarité entre neurones. Même si l’on n’accepte pas cette hypothèse (confirmée pourtant par de curieuses expériences), il faudra bien supposer pendant le sommeil profond une interruption au moins fonctionnelle de la relation établie dans le système nerveux entre l’excitation et la réaction motrice. De sorte que le rê