Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/262

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Et il n’y a rien de commun non plus, par conséquent, entre l’étendue, qui est toujours tactile, et les données des sens autres que le toucher, lesquelles ne sont étendues en aucune manière.

Mais le réalisme atomistique, à son tour, qui met les mouvements dans l’espace et les sensations dans la conscience, ne peut rien découvrir de commun entre les modifications ou phénomènes de l’étendue et les sensations qui y répondent. Ces sensations se dégageraient de ces modifications comme des espèces de phosphorescences, ou bien encore elles traduiraient dans la langue de l’âme les manifestations de la matière ; mais pas plus dans un cas que dans l’autre elles ne refléteraient l’image de leurs causes. Sans doute elles remontent toutes à une origine commune, qui est le mouvement dans l’espace ; mais justement parce qu’elles évoluent en dehors de l’espace, elles renoncent, en tant que sensations, à la parenté qui liait leurs causes. Rompant avec l’espace, elles rompent aussi entre elles, et ne participent ainsi ni les unes des autres, ni de l’étendue.

Idéalisme et réalisme ne diffèrent donc ici qu’en ce que le premier fait reculer l’étendue jusqu’à la perception tactile, dont elle devient la propriété exclusive, tandis que le second repousse l’étendue plus loin encore, en dehors de toute perception. Mais les deux doctrines s’accordent à affirmer la discon­tinuité des divers ordres de qualités sensibles, comme aussi le passage brusque de ce qui est purement étendu à ce qui n’est étendu en aucune manière. Or, les principales difficultés qu’elles rencontrent l’une et l’autre dans la théorie de la perception dérivent de ce postulat commun.

Veut-on en effet, avec Berkeley, que toute perception d’é