Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/105

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(comme on dit en Dauphiné) dans un certain ouvrage dont je vous prie de ne pas parler et dans lequel j’ai lâché l’écluse à quelques-uns des torrents d’amertume que mon cœur contenait à grande peine. Cela fera, au jour de l’exécution, l’effet d’un pétard dans un salon diplomatique. Je ne vous en avais rien dit, parce que vous savez que je n’aime pas à vous parler de ce que je fais, jusqu’au moment de la mise au monde de l’ouvrage. Ce n’est pas, comme vous me faites l’amitié de le supposer, parce que j’ai peur que vous ne me fassiez un vol intellectuel (gros scélérat !!), mais bien parce que je veux suivre tout droit le chemin de mon caprice, de ma fantaisie, dût-il me conduire dans quelque bourbier obscur, et que l’impression bonne ou mauvaise, produite sur vous par des épreuves anticipées de l’ouvrage, se reflétant sur moi, me distrairait en mal de ma première direction, ou ralentirait l’élan de ma course. Voilà !

Vous voulez savoir ce que j’ai fait depuis mon arrivée en Italie ; 1º ouverture du Roi Lear (à Nice) ; 2º ouverture de Rob-Roy, Mac Gregor (esquissée à Nice, et que j’ai eu la bêtise de montrer à Mendelssohn, à mon corps défendant, avant qu’il y en eût la dixième partie de fixée). Je l’ai finie et instrumentée aux montagnes de Subiaco ; 3º Mélologue en six parties, paroles et musique ; composé par monts et par vaux en revenant de Nice, et achevé à Rome. Puis, quelques morceaux vocaux, détachés, avec et sans accompagnement : 1º un chœur d’anges pour les fêtes de Noël ; 2º un chœur de toutes les voix, improvisé (comme on improvise) au milieu des brouillards, en allant à Naples, sur quatre vers que je fis pour prier le soleil de se montrer ; 3º un autre chœur sur quelques mots de Moore avec