Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/131

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Douai et de Dijon, les autres se sont découragées après une première répétition, et l’ouvrage, après avoir été lacéré de mille façons, a dû rentrer dans l’ombre des bibliothèques, comme digne de figurer tout au plus dans la collection des monstruosités. Il paraît même qu’une épreuve de ce genre a beaucoup diverti la Société philharmonique de Londres ; quelques artistes parisiens que les virtuoses anglais n’avaient pas dédaigné de s’adjoindre à cette occasion, et qui connaissaient parfaitement mon ouvrage pour l’avoir exécuté à Paris, m’ont dit avoir franchement partagé l’hilarité britannique ; seulement le sujet en était tout différent. Figurez-vous en effet les mouvements pressés du double dans l’adagio, et ralentis d’autant dans l’allégro, de manière à produire cet aplatissant mezzo termine insupportable à tout ce qui possède le moindre sentiment musical ; imaginez des violons déchiffrant à première vue des traits encore assez difficiles, malgré le tempo confortabile qu’on avait donné à l’allégro, les trombones partant dix ou douze mesures trop tôt, le timbalier perdant la tête, dans le rhythme à trois temps, et vous aurez une idée de l’aimable charivari qui devait en résulter. Je ne conteste point l’habileté de MM. les philharmoniques d’Argyle-Room, Dieu m’en garde ! je signale seulement l’étrange système d’après lequel on les dirige dans les répétitions. Certes, il nous est arrivé souvent ici de faire aussi de bien mauvaise musique au premier essai d’un nouveau morceau ; mais, comme, à notre avis, personne n’a la science infuse, pas même les artistes anglais, et qu’il n’y a point de honte à étudier avec attention et courage ce qu’on n’est pas tenu de comprendre du premier coup, nous recommencions trois fois, quatre fois, dix fois s’il le