Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/135

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à ce prix ? C’est faire injure à sa mémoire que d’en douter.

Mais il était hors de son pouvoir de s’y opposer : sans laisser graver sa partition, il en avait vendu des copies, et c’était assez pour que la tutelle lui en échappât pour jamais. — Je mets un terme à toutes mes comparaisons, que vous allez sans doute, monsieur, trouver bien ambitieuses, et j’ajoute simplement que le suffrage de l’Allemagne, cette patrie de la musique, est d’un trop haut prix à mes yeux et me sera, je le crains, trop difficile à obtenir si toutefois je l’obtiens, pour ne pas attendre le moment où je pourrai, moi-même, aller en pèlerin déposer à ses pieds ma modeste offrande. Alors, encore, aurai-je grand besoin du secours de votre amitié, comme aussi de votre talent si noble et si élevé, pour le faire accueillir.

Jusque-là, j’ose espérer qu’on ne verra dans ma réserve qu’une méfiance très-naturelle et déjà trop bien justifiée. Je me contenterai donc pour le présent, en prudent navigateur, de louvoyer sur nos côtes, sans courir au naufrage dans un voyage au long cours.

Tels sont mes motifs, et vous les apprécierez, je l’espère.

Je ne veux pas finir ma lettre sans vous dire quelles heures délicieuses j’ai passées dernièrement à lire vos admirables œuvres de piano ; il m’a semblé qu’on n’avait rien exagéré en m’assurant qu’elles étaient la continuation logique de celles de Weber, Beethoven et Schubert. Liszt, qui me les avait ainsi désignées, m’en donnera incessamment une idée plus complète, me les fera connaître plus intimement, par son exécution incomparable. Il a le projet de faire entendre votre sonate intitulée Clara à l’une des magnifiques soirées où il rassemble autour de lui l’élite de notre public musical.