Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/33

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l’empêchait pas de suivre les cours de Lesueur et de Reicha, mais elle l’humiliait assez pour qu’il se dérobât le plus possible aux yeux indiscrets pendant l’exercice de ses fonctions dramatiques. Charbonnel, très-fier, eût été humilié de vivre sous le même toit qu’un baladin ; Charbonnel se fâchait quand son ami portait ostensiblement dans la rue les provisions nécessaires au déjeuner ou au souper du ménage. Si l’étudiant en pharmacie avait su qu’il cohabitait avec un choriste, c’eût été une rupture complète.

Cependant l’Institut, en 1828, mit au concours une cantate : Orphée déchiré par les bacchantes, et, cette fois, Hector ne fut pas honteusement repoussé. Le jury se contenta de déclarer inexécutable le morceau présenté par le candidat. Berlioz, outré de dépit, jura que sa cantate inexécutable serait exécutée et demanda la salle du Conservatoire pour y donner un concert. M. de la Rochefoucauld, de qui dépendait l’autorisation, avait une réputation d’homme pudique parce qu’il avait prescrit aux danseuses de l’Opéra d’allonger leurs jupes ; mais c’était un protecteur éclairé de l’art et des artistes. L’autorisation fut accordée ; Cherubini, directeur du Conservatoire, eut beau protester, M. de la Rochefoucauld donna des ordres formels.

Ce fonctionnaire avait-il, manquant à toutes les traditions administratives, deviné le talent du jeune compositeur ? Il est permis de le croire, puisque, tant que M. de la Rochefoucauld resta au pouvoir, Berlioz ne cessa d’avoir recours à ce gracieux Mécène. L’année suivante, un ballet sur Faust ayant été reçu à l’Opéra, Hector s’adressait de nouveau à son protecteur habituel, le surintendant des théâtres, et se recommandait à lui en ces termes :

« Le jury de l’Académie de musique a reçu, il y a deux mois, un ballet de Faust. M. Bohain, qui en est l’auteur, désirant me fournir l’occasion de me produire sur la scène