Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vous lui parlez d’un opéra nouveau, d’un succès, il vous répond d’une voix attendrie : Ah ! que diriez-vous, si vous connaissiez le fameux Jacques Lenglumé (un incompris de la jeunesse de Louis XIV) ; quelle musique ! quel musicien !… Notre grand homme va chercher la solitude au huitième au-dessus de l’entresol ; là, après s’être parfumé d’une grande quantité de cigares, après avoir tourné trois fois sur lui-même, il se livre tout entier au feu qui le dévore. Il saisit sa guitare (le piano généralement tapoté lui semblant fort mesquin) et tombe, le poil hérissé, sur un sofa où il compose, compose jusqu’à extinction de chaleur naturelle. Il court surtout après la haute philosophie musicale ; pour lui la romance est un mythe qui doit exprimer une des faces les plus superficociquenqueuses de la vie humaine… Une fois lancé, rien ne l’arrête ; il invente des accords inouïs, des rythmes inconnus, des mélodies inaccessibles. Grâce à cet agréable procédé et à cet exercice violent, le compositeur échevelé arrive à produire une partition qui peut lutter avec les charivaris les mieux organisés et il obtient toujours le succès… non, la chute demandée[1]. »

L’allusion est on ne peut plus claire.

Tout en se défendant du bec et de l’ongle dans les journaux, l’auteur de la Symphonie fantastique prouvait son talent de la même façon que le philosophe grec prouvait le mouvement en se mettant à marcher ; il travaillait jour et nuit, il couvrait de croches et de doubles croches des liasses énormes de papier réglé. Paganini, qui devait lui faire, quatre ans après, un cadeau royal, lui commandait un morceau sur les Derniers instants de Marie Stuart[2] ; ce projet n’eut pas de suite ou fut transformé en un autre projet. Comme

  1. Le journal la Caricature. Numéro du 16 mai 1841.
  2. Gazette musicale, 26 janvier 1834.