Page:Berlioz - Traité d’instrumentation et d’orchestration.djvu/244

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Il résulte toutefois de beaux effets des notes extrêmement graves des secondes Basses, telles que le Mi bémol et même le en dessous des portées, que plusieurs voix peuvent faire entendre assez aisément quand elles ont le temps de bien les poser, lorsqu’elles sont précédées d’un temps pour la respiration et écrites sur une syllabe sonore. Les chœurs éclatants pompeux ou violents doivent au contraire, s’écrire un peu plus haut, sans cependant que la prédominance des notes aiguës soit constante et sans donner aux chanteurs beaucoup de paroles à prononcer rapidement. L’extrême fatigue résultant de cette manière décrire amènerait bien vite une mauvaise exécution ; une telle continuité de notes hautes chargées de syllabes péniblement articulées est d’ailleurs peu agréable pour l’auditeur.

Nous n’avons pas encore parlé des notes suraiguës, des voix qu’on appelle sons de tête ou de faucet. Elles sont d’un beau caractère chez les Ténors, dont elles augmentent beaucoup l’étendue, plusieurs d’entre eux s’élevant sans peine en voix de tête jusqu’au Mi bémol et au Fa au dessus des portées. On pourrait en faire dans les chœurs un fréquent et heureux usage, si les choristes étaient plus avancés dans l’art du chant. La voix de tête n’est d’un effet supportable pour les Basses et Barytons que dans un style extrêmement léger, tel que celui de nos Opéras-comiques français ; ces sons aigus et d’un timbre féminin si dissemblables des notes naturelles dites de poitrine des voix graves, ont, en effet, quelque chose de choquant partout ailleurs que dans une bouffonnerie musicale. On n’a jamais tenté de les introduire dans un chœur, ni dans aucun chant appartenant au style noble. Le point où finit la voix de poitrine et où commence la voix de tête ne peut se fixer bien exactement. Les Ténors habiles, d’ailleurs, donnent dans le forte certaines notes hautes comme le La, le Si et même l’Ut, ou en voix de tête, ou en voix de poitrine à volonté, cependant, pour le plus grand nombre, il faut, je crois, fixer le Si bémol haut comme la limite de la voix de poitrine du premier Ténor. Et ceci prouve encore que cette voix n’est point rigoureusement à la quinte au dessus de la Basse, ainsi que le prétendent les théories des écoles ; car sur vingt Basses prises au hazard, dix, au moins, pourront donner en voix de poitrine un Fa dièze haut convenablement amené, tandis que sur le même nombre de Ténors on n’en rencontrera pas un qui puisse donner également, en voix de poitrine, un Ut dièze haut supportable.