Page:Berlioz - Traité d’instrumentation et d’orchestration.djvu/270

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nous disions tout-à-l’heure que les timbales n’avaient qu’une octave d’étendue ; la difficulté d’avoir une peau assez grande pour couvrir un Bassin plus large que celui de la grande timbale Basse, est peut-être la raison qui s’oppose à ce qu’on obtienne des sons plus graves que le Fa. Mais il n’en est pas de même pour les timbales hautes : à coup sûr, en diminuant la dimension du bassin métallique, il serait facile d’obtenir les Sol, La et Si Bémol hauts. Ces petites timbales pourraient être en mainte occasion d’un très heureux effet. Autrefois, il n’arrivait presque jamais aux timbaliers d’être obligés de changer l’accord de leur instrument dans le cours d’un morceau ; aujourd’hui, les compositeurs ne se gênent pas pour faire subir à cet accord en très peu de temps un assez grand nombre de modifications. On serait dispensé le plus souvent d’employer ce moyen, pénible et difficile pour l’exécutant, s’il y avait, dans tous les orchestres, deux paires de timbales et deux timbaliers ; toutefois, quand on y a recours, il faut avoir soin d’abord de donner au timbalier un nombre de pauses proportionné à l’importance du changement qu’on lui demande, afin qu’il ait le temps de l’amener à bien ; il faut aussi, dans ce cas indiquer, pour la nouvelle disposition de l’accord, la plus rapprochée de celle qu’on abandonne.

Par exemple les timbales étant en La Mi

\language "italiano"
\relative do {
  \override Staff.TimeSignature #'stencil = ##f
  \cadenzaOn
  \clef bass 
  \stemDown la2 mi' \bar "||"
}
\header { tagline = ##f}
si l’on veut aller


dans le ton de Si ce serait une insigne maladresse d’indiquer l’accord

nouveau en Fa Si (quarte)

\language "italiano"
\relative do, {
  \override Staff.TimeSignature #'stencil = ##f
  \cadenzaOn
  \clef bass 
  fa2 sib \bar "||"
}
\header { tagline = ##f}
qui oblige de baisser d’une


tierce la timbale grave et d’une quarte augmentée la timbale haute, quand

l’accord Si Fa (quinte)

\language "italiano"
\relative do {
  \override Staff.TimeSignature #'stencil = ##f
  \cadenzaOn
  \clef bass 
  sib2 fa' \bar "||"
}
\header { tagline = ##f}
ne nécessite au contraire que


l’abaissement d’un demi ton pour les deux timbales. On conçoit d’ailleurs combien il est difficile pour le timbalier d’arriver juste à donner un nouvel accord à son instrument, obligé qu’il est de tourner les clefs ou vis de pression du chevalet, pendant l’exécution d’un morceau chargé de modulations, qui peut lui faire entendre le ton de Si naturel majeur au moment même ou il cherche le ton d’Ut ou le ton de Fa. Ceci prouve qu’indépendamment du talent spécial que doit posséder le timbalier pour le maniement des baguettes, il doit être encore excellent musicien et doué d’une oreille d’une finesse extrême : voilà pourquoi les bons timbaliers sont si rares.

Il y a trois espèces de baguettes, dont l’emploi change tellement la nature du son des timbales, qu’il y a plus que de la négligence de la part des compositeurs à ne pas désigner dans leurs partitions celles dont-ils veulent que l’exécutant fasse usage.

Les baguettes à tête de bois produisent un son âpre, sec, dur, qui ne convient guère que pour frapper un coup violent, ou pour accompagner un grand fracas d’orchestre.

Les baguettes à tête de bois recouverte en peau sont moins dures ; elles produisent une sonorité moins éclatante que les précédentes, mais bien sèche encore cependant. Dans une foule d’orchestres ces baguettes sont seules employées et c’est très fâcheux.

Les baguettes à tête d’éponge sont les meilleures, et celles dont l’usage plus musical, moins bruyant devrait être le plus fréquent. Elles donnent aux timbales un timbre velouté, sombre, qui rend les sons très nets, leur accord par conséquent très appréciable, et convient à une foule de nuances douces ou fortes de l’exécution dans lesquelles les autres bagatelles produiraient un effet détestable ou au moins insuffisant.

Toutes les fois qu’il s’agit de faire entendre des sons mystérieux sourdement menaçants, même dans un forte, c’est aux baguettes à tête d’éponge qu’il faut avoir recours. Ajoutons que l’élasticité de l’éponge augmentant le rebondissement de la baguette, l’exécutant n’a besoin que d’effleurer la peau des Timbales pour obtenir dans le Pianissimo des roulements fins, doux et très serrés. Beethoven dans ses symphonies en Si et en Ut mineur a tiré du Pianissimo des timbales un parti merveilleux ; ces passages admirables perdent beaucoup à être exécutés avec des baguettes sans éponges, bien que l’auteur dans ses partitions n’ait rien spécifié à cet égard.