Page:Berlioz - Une page d’amour romantique, 1903.djvu/27

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Vous ne m’aimez pas, mais je vous aime, et vous le savez, et vous auriez pu l’ignorer toujours, et vous le permettez. Oh ! plus jamais de cruautés, n’est-ce pas ? Vous savez bien que je fais des progrès, que je me refroidis…

Tenez, je vais vous raconter la soirée que j’ai passée la semaine dernière aux Tuileries. Debout en uniforme de membre de l’Institut, de neuf heures à minuit. On se dansait les uns sur les autres. Deux salles de bal, deux orchestres enragés. Une foule de femmes laides. Cohue d’hommes plus ou moins décorés ; regards jaloux jetés en passant par ceux qui n’avaient qu’une croix sur ceux qui en avaient cinq ou six. Conversations avec quelques savants. L’Empereur ne paraissant pas ne m’a pas tendu la main, comme à l’ordinaire. L’Impératrice n’a pas quitté son salon impénétrable. Soirée insipide, temps perdu ; mais il fallait y aller. Je n’avais pas paru à la réception du jour de l’an ; ce jour j’étais trop malade, et l’Empereur sait quels sont ceux qui manquent à ces cérémonies.

On m’envoie un journal américain qui contient un charmant article sur l’exécution de mon Ouverture du roi Lear à New-York. On m’envoie un programme d’un concert à Montpellier, où l’on a joué mon Ouverture de Waverley (cela devait être bouffon !). On exécute après-demain ici, au Cirque de l’Impératrice, avec l’immense orchestre de Pasdeloup, mon Ouverture des Francs-Juges. À la répétition d’avant-hier, m’a-t-on dit, les musiciens lui ont fait un succès monstre. On a joué le Scherzo de la Fée Mab de ma symphonie de Roméo et Juliette, à Copenhague, et le public danois l’a fait recommencer. Vous me parlez de mes Mémoires. Je les ferai