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L’IMPOSTURE

leurs bientôt couvert par une voix patiente et douce.

— C’est aborder, il me semble, beaucoup de problèmes, et des plus vastes, à propos du seul M. Pernichon, qui ne m’en voudra pas de voir avec regret renaître des discussions que nous avions abandonnées jadis d’un commun accord…

— Je m’excuse, déclara Mgr Espelette avec beaucoup de dignité d’un petit accès d’emportement…

M. Jumilhac l’interrompit :

— Pour rien au monde, fit-il, je ne voudrais moi-même risquer de compromettre une bonne et cordiale entente de plusieurs années sous le premier prétexte venu. C’est notre honneur à tous de rechercher ensemble, loyalement, dans de libres entretiens, à nous éclairer les uns les autres. En ce qui me regarde, j’ai conscience de n’avoir rien abdiqué, même par simple courtoisie à l’égard d’adversaires que je respecte (il salua l’évêque de Paumiers), des droits sacrés…

— Tous les droits sont sacrés pour quiconque prétend à leur usage, mon cher monsieur Jumilhac, reprit M. Catani sans élever le ton. Je me permettrai de féliciter plutôt M. Guérou, l’hôte éminent qui nous rassemble, de savoir esquiver, avec un tact exquis, des discussions de principes qui nous auraient bientôt séparés. Dieu sait quels services son aimable scepticisme nous a ainsi rendus ! J’avoue qu’en dépit de mes préférences il m’arrive bien souvent de m’en inspirer, dans les limites de ma modeste action. Puissent des jeunes gens comme notre ami ne pas compromettre par un excès de zèle involontaire les résultats péniblement acquis !

— Je ne sais à quoi vous faites allusion, dit Perni-