Page:Bernard - Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, Baillière, 1865.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
158
de l’expérimentation chez les êtres vivants.

parce que des phénomènes tout à fait spéciaux peuvent être le résultat de l’union ou de l’association de plus en plus complexe des éléments organisés. Tout cela prouve que ces éléments, quoique distincts et autonomes, ne jouent pas pour cela le rôle de simples associés, et que leur union exprime plus que l’addition de leurs propriétés séparées. Je suis persuadé que les obstacles qui entourent l’étude expérimentale de phénomènes psychologiques sont en grande partie dus à des difficultés de cet ordre ; car, malgré leur nature merveilleuse et la délicatesse de leurs manifestations, il est impossible, selon moi, de ne pas faire entrer les phénomènes cérébraux, comme tous les autres phénomènes des corps vivants, dans les lois d’un déterminisme scientifique.

Le physiologiste et le médecin doivent donc toujours considérer en même temps les organismes dans leur ensemble et dans leurs détails, sans jamais perdre de vue les conditions spéciales de tous les phénomènes particuliers dont la résultante constitue l’individu. Toutefois les faits particuliers ne sont jamais scientifiques : la généralisation seule peut constituer la science. Mais il y a là un double écueil à éviter ; car si l’excès des particularités est antiscientifique, l’excès des généralités crée une science idéale qui n’a plus de lien avec la réalité. Cet écueil, qui est minime pour le naturaliste contemplatif, devient très grand pour le médecin qui doit surtout rechercher les vérités objectives et pratiques. Il faut admirer sans doute ces vastes horizons