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du raisonnement expérimental.

physiologiste croira certainement avoir fait une expérience parce qu’il est intervenu activement pour faire apparaître des phénomènes qui ne s’offraient pas naturellement à ses yeux. Mais maintenant je demanderai : le docteur W. Beaumont fit-il une expérience quand il rencontra ce jeune chasseur canadien qui, après avoir reçu à bout portant un coup de fusil dans l’hypocondre gauche, conserva, à la chute de l’eschare, une large fistule de l’estomac par laquelle on pouvait voir dans l’intérieur de cet organe ? Pendant plusieurs années, le docteur Beaumont, qui avait pris cet homme à son service, put étudier de visu les phénomènes de la digestion gastrique, ainsi qu’il nous l’a fait connaître dans l’intéressant journal qu’il nous a donné à ce sujet[1]. Dans le premier cas, le physiologiste a agi en vertu de l’idée préconçue d’étudier les phénomènes digestifs et il a fait une expérience active. Dans le second cas, un accident a opéré la fistule à l’estomac, et elle s’est présentée fortuitement au docteur Beaumont qui dans notre définition aurait fait une expérience passive, s’il est permis d’ainsi parler. Ces exemples prouvent donc que, dans la constatation des phénomènes qualifiés d’expérience, l’activité manuelle de l’expérimentateur n’intervient pas toujours ; puisqu’il arrive que ces phénomènes peuvent, ainsi que nous le voyons, se présenter comme des observations passives ou fortuites.

Mais il est des physiologistes et des médecins qui ont

  1. W. Beaumont, Exper. and Obs. on the gastric Juice and the physiological Digestion. Boston, 1834.