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considérations spéciales aux êtres vivants.

dans l’expression d’un ensemble de phénomènes, et parce qu’ensuite, dans une infinité de cas, divers organes du corps peuvent se suppléer dans les phénomènes qui leur étaient en partie communs, et dissimuler plus ou moins ce qui résulte de l’ablation d’une partie limitée. Je suppose, par exemple, que l’on paralyse isolément et successivement tout le corps en n’agissant que sur un seul muscle à la fois, le désordre produit par le muscle paralysé sera plus ou moins remplacé et rétabli par les muscles voisins, et l’on arriverait finalement à conclure que chaque muscle en particulier entre pour peu de chose dans les mouvements du corps. On a très bien exprimé la nature de cette cause d’erreur en la comparant à ce qui arriverait à un expérimentateur qui supprimerait l’une après l’autre chacune des briques qui servent de base à une colonne. Il verrait, en effet, que la soustraction successive d’une seule brique à la fois ne fait pas chanceler la colonne, et il arriverait à en conclure logiquement mais faussement qu’aucune de ces briques ne sert à soutenir la colonne. L’expérimentation comparative en physiologie répond à une tout autre idée : car elle a pour objet de réduire à l’unité la recherche la plus complexe, et pour résultat d’éliminer en bloc toutes les causes d’erreurs connues ou inconnues.

Les phénomènes physiologiques sont tellement complexes, qu’il ne serait jamais possible d’expérimenter avec quelque rigueur sur les animaux vivants, s’il fallait nécessairement déterminer toutes les modifications que l’on peut apporter dans l’organisme sur lequel on opère.