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du raisonnement expérimental.

science, je la repousse d’une manière absolue pour tout ce qui est théorique. Je considère en effet que faire sa spécialité des généralités est un principe antiphilosophique et antiscientifique, quoiqu’il ait été proclamé par une école philosophique moderne qui se pique d’être fondée sur les sciences.

Toutefois la science expérimentale ne saurait avancer par un seul des côtés de la méthode pris séparément ; elle ne marche que par la réunion de toutes les parties de la méthode concourant vers un but commun. Ceux qui recueillent des observations ne sont utiles que parce que ces observations sont ultérieurement introduites dans le raisonnement expérimental ; autrement l’accumulation indéfinie d’observations ne conduirait à rien. Ceux qui émettent des hypothèses à propos des observations recueillies par les autres, ne sont utiles qu’autant que l’on cherchera à vérifier ces hypothèses en expérimentant ; autrement ces hypothèses non vérifiées ou non vérifiables par l’expérience n’engendreraient que des systèmes, et nous reporteraient à la scolastique. Ceux qui expérimentent, malgré toute leur habileté, ne résoudront pas les questions s’ils ne sont inspirés par une hypothèse heureuse fondée sur des observations exactes et bien faites. Enfin ceux qui généralisent ne pourront faire des théories durables qu’autant qu’ils connaîtront par eux-mêmes tous les détails scientifiques que ces théories sont destinées à représenter. Les généralités scientifiques doivent remonter des particularités aux principes ; et les principes sont d’autant plus stables qu’ils s’appuient sur des détails plus profonds, de