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de l’idée à priori et du doute.

ce qu’on a découvert après eux. Chaque temps a sa somme d’erreurs et de vérités. Il y a des erreurs qui sont en quelque sorte inhérentes à leur temps, et que les progrès ultérieurs de la science peuvent seuls faire reconnaître. Les progrès de la méthode expérimentale consistent en ce que la somme des vérités augmente à mesure que la somme des erreurs diminue. Mais chacune de ces vérités particulières s’ajoute aux autres pour constituer des vérités plus générales. Les noms des promoteurs de la science disparaissent peu à peu dans cette fusion, et plus la science avance, plus elle prend la forme impersonnelle et se détache du passé. Je me hâte d’ajouter, pour éviter une confusion qui a parfois été commise, que je n’entends parler ici que de l’évolution de la science. Pour les arts et les lettres, la personnalité domine tout. Il s’agit là d’une création spontanée de l’esprit, et cela n’a plus rien de commun avec la constatation des phénomènes naturels, dans lesquels notre esprit ne doit rien créer. Le passé conserve toute sa valeur dans ces créations des arts et des lettres ; chaque individualité reste immuable dans le temps et ne peut se confondre avec les autres. Un poète contemporain a caractérisé ce sentiment de la personnalité de l’art et de l’impersonnalité de la science par ces mots : l’art, c’est moi ; la science, c’est nous.

La méthode expérimentale est la méthode scientifique qui proclame la liberté de l’esprit et de la pensée. Elle secoue non seulement le joug philosophique et théologique, mais elle n’admet pas non plus d’autorité scientifique personnelle. Ceci n’est point de l’orgueil et de la