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de l’idée à priori et du doute.

nière entière et exclusive. C’est un fait, un fait brutal, répète-t-on encore souvent ; il n’y a pas à raisonner, il faut s’y soumettre. Sans doute, j’admets que les faits sont les seules réalités qui puissent donner la formule à l’idée expérimentale et lui servir en même temps de contrôle ; mais c’est à la condition que la raison les accepte. Je pense que la croyance aveugle dans le fait qui prétend faire taire la raison est aussi dangereuse pour les sciences expérimentales que les croyances de sentiment ou de foi qui, elles aussi, imposent silence à la raison. En un mot, dans la méthode expérimentale comme partout, le seul critérium réel est la raison.

Un fait n’est rien par lui-même, il ne vaut que par l’idée qui s’y rattache ou par la preuve qu’il fournit. Nous avons dit ailleurs que, quand on qualifie un fait nouveau de découverte, ce n’est pas le fait lui-même qui constitue la découverte, mais bien l’idée nouvelle qui en dérive ; de même, quand un fait prouve, ce n’est point le fait lui-même qui donne la preuve, mais seulement le rapport rationnel qu’il établit entre le phénomène et sa cause. C’est ce rapport qui est la vérité scientifique et qu’il s’agit maintenant de préciser davantage.

Rappelons-nous comment nous avons caractérisé les vérités mathématiques et les vérités expérimentales. Les vérités mathématiques une fois acquises, avons-nous dit, sont des vérités conscientes et absolues, parce que les conditions idéales de leur existence sont également conscientes et connues par nous d’une manière absolue. Les vérités expérimentales, au contraire, sont inconscientes et relatives, parce que les conditions réelles de