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ET VIRGINIE

l’avarice porte à naviguer sur un élément furieux, plutôt que de cultiver la terre, qui donne paisiblement tant de biens. Quelquefois, à la maniere des noirs, elle exécutoit avec Paul une pantomime. La pantomime est le premier langage de l’homme ; elle est connue de toutes les nations ; elle est si naturelle et si expressive que les enfants des blancs ne tardent pas à l’apprendre dès qu’ils ont vu ceux des noirs s’y exercer. Virginie se rappelant, dans les lectures que lui faisoit sa mere, les histoires qui l’avoient le plus touchée, en rendoit les principaux évènements avec beaucoup de naïveté. Tantôt, au son du tamtam de Domingue, elle se présentoit sur la pelouse, portant une cruche sur sa tête ; elle s’avançoit avec timidité à la source d’une fontaine voisine pour y puiser de l’eau. Domingue et Marie, représentant les bergers de Madian, lui en défendoient l’approche et feignoient de la repousser. Paul accouroit à son secours, battoit les bergers, remplissoit la cruche de Virginie, et en la lui posant sur la tête il lui mettoit en même temps une couronne de fleurs rouges de pervenche qui relevoit la blancheur de son teint. Alors, me prêtant à leurs jeux, je me chargeois