Page:Bernardin de Saint-Pierre - Paul et Virginie, Didot, 1806.djvu/174

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
ET VIRGINIE

de dîner, disoit Virginie à la famille, les ombres des bananiers sont à leurs pieds » ; ou bien : « La nuit s’approche, les tamarins ferment leurs feuilles. — Quand viendrez-vous nous voir ? lui disoient quelques amies du voisinage. — Aux cannes de sucre, répondoit Virginie. — Votre visite nous sera encore plus douce et plus agréable, reprenoient ces jeunes filles ». Quand on l’interrogeoit sur son âge et sur celui de Paul : « Mon frere, disoit-elle, est de l’âge du grand cocotier de la fontaine, et moi de celui du plus petit. Les manguiers ont donné douze fois leurs fruits, et les orangers vingt-quatre fois leurs fleurs depuis que je suis au monde ». Leur vie sembloit attachée à celle des arbres comme celle des faunes et des dryades : ils ne connoissoient d’autres époques historiques que celles de la vie de leurs meres, d’autre chronologie que celle de leurs vergers, et d’autre philosophie que de faire du bien à tout le monde, et de se résigner à la volonté de Dieu.

Après tout qu’avoient besoin ces jeunes gens d’être riches et savants à notre maniere ? leurs besoins et leur ignorance ajoutoient encore à leur félicité. Il n’y avoit