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ET VIRGINIE

jeune, et je me renforce chaque jour. Il n’a qu’à leur arriver pendant mon absence quelque accident, surtout à Virginie qui est déja souffrante. Oh non, non ! je ne saurois me résoudre à les quitter. »

Sa réponse me jeta dans un grand embarras ; car madame de la Tour ne m’avoit pas caché l’état de Virginie, et le desir qu’elle avoit de gagner quelques années sur l’âge de ces jeunes gens en les éloignant l’un de l’autre. C’étoient des motifs que je n’osois même faire soupçonner à Paul.

Sur ces entrefaites un vaisseau arrivé de France apporta à madame de la Tour une lettre de sa tante. La crainte de la mort, sans laquelle les cœurs durs ne seroient jamais sensibles, l’avoit frappée. Elle sortoit d’une grande maladie dégénérée en langueur, et que l’âge rendoit incurable. Elle mandoit à sa niece de repasser en France ; ou, si sa santé ne lui permettoit pas de faire un si long voyage, elle lui enjoignoit d’y envoyer Virginie, à laquelle elle destinoit une bonne éducation, un parti à la cour, et la donation de tous ses biens. Elle attachoit, disoit-elle, le retour de ses bontés à l’exécution de ses ordres.