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ET VIRGINIE

avec nous ». Mais de toute la société la personne qui témoigna le moins de joie, et qui y fut la plus sensible, fut Virginie. Elle parut le reste du jour d’une gaieté douce, et le retour de sa tranquillité mit le comble à la satisfaction générale.

Le lendemain, au lever du soleil, comme ils venoient de faire tous ensemble, suivant leur coutume, la priere du matin qui précédoit le déjeûner, Domingue les avertit qu’un monsieur à cheval, suivi de deux esclaves, s’avançoit vers l’habitation. C’étoit M. de la Bourdonnais. Il entra dans la case où toute la famille étoit à table. Virginie venoit de servir, suivant l’usage du pays, du café et du riz cuit à l’eau. Elle y avoit joint des patates chaudes et des bananes fraîches. Il y avoit pour toute vaisselle des moitiés de calebasses, et pour linge des feuilles de bananier. Le gouverneur témoigna d’abord quelque étonnement de la pauvreté de cette demeure. Ensuite, s’adressant à madame de la Tour, il lui dit que les affaires générales l’empêchoient quelquefois de songer aux particulieres ; mais qu’elle avoit bien des droits sur lui. « Vous avez, ajouta-t-il, madame, une tante de qualité et fort riche à Paris, qui