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ET VIRGINIE

Vers les sept heures du matin nous entendîmes dans les bois un bruit de tambours : c’étoit le gouverneur, M. de la Bourdonnais, qui arrivoit à cheval, suivi d’un détachement de soldats armés de fusils, et d’un grand nombre d’habitants et de noirs. Il plaça ses soldats sur le rivage, et leur ordonna de faire feu de leurs armes tous à la fois. À peine leur décharge fut faite que nous apperçûmes sur la mer une lueur, suivie presque aussitôt d’un coup de canon. Nous jugeâmes que le vaisseau étoit à peu de distance de nous, et nous courûmes tous du côté où nous avions vu son signal. Nous apperçûmes alors à travers le brouillard le corps et les vergues d’un grand vaisseau. Nous en étions si près que, malgré le bruit des flots, nous entendîmes le sifflet du maître qui commandoit la manœuvre, et les cris des matelots, qui crierent trois fois vive le roi ! car c’est le cri des Français dans les dangers extrêmes, ainsi que dans les grandes joies : comme si, dans les dangers, ils appeloient leur prince à leur secours, ou comme s’ils vouloient témoigner alors qu’ils sont prêts à périr pour lui.

Depuis le moment où le Saint-Géran apperçut que