Page:Bernardin de Saint-Pierre - Paul et Virginie, Didot, 1806.djvu/281

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
166
PAUL

convulsif de leur douleur, et leur procura un repos léthargique semblable, à la vérité, à celui de la mort.

M. de la Bourdonnais m’envoya avertir secrètement que le corps de Virginie avoit été apporté à la ville par son ordre, et que de là on alloit le transférer à l’église des Pamplemousses. Je descendis aussitôt au Port-Louis, où je trouvai des habitants de tous les quartiers rassemblés pour assister à ses funérailles, comme si l’isle eût perdu en elle ce qu’elle avoit de plus cher. Dans le port les vaisseaux avoient leurs vergues croisées, leurs pavillons en berne, et tiroient du canon par longs intervalles. Des grenadiers ouvroient la marche du convoi ; ils portoient leurs fusils baissés. Leurs tambours, couverts de longs crêpes, ne faisoient entendre que des sons lugubres, et on voyoit l’abattement peint dans les traits de ces guerriers qui avoient tant de fois affronté la mort dans les combats sans changer de visage. Huit jeunes demoiselles des plus considérables de l’isle, vêtues de blanc, et tenant des palmes à la main, portoient le corps de leur vertueuse compagne, couvert de fleurs. Un chœur de petits enfants le suivoit en chantant des hymnes : après eux venoit tout ce que l’isle