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PAUL

de son amie. Il alloit seul se retirer dans le jardin, et s’asseyoit au pied du cocotier de Virginie, les yeux fixés sur sa fontaine. Le chirurgien du gouverneur, qui avoit pris le plus grand soin de lui et de ces dames, nous dit que pour le tirer de sa noire mélancolie il falloit lui laisser faire tout ce qu’il lui plairoit, sans le contrarier en rien ; qu’il n’y avoit que ce seul moyen de vaincre le silence auquel il s’obstinoit.

Je résolus de suivre son conseil. Dès que Paul sentit ses forces un peu rétablies, le premier usage qu’il en fit fut de s’éloigner de l’habitation. Comme je ne le perdois pas de vue, je me mis en marche après lui, et je dis à Domingue de prendre des vivres, et de nous accompagner. À mesure que ce jeune homme descendoit cette montagne, sa joie et ses forces sembloient renaître. Il prit d’abord le chemin des Pamplemousses ; et quand il fut auprès de l’église, dans l’allée des bambous, il s’en fut droit au lieu où il vit de la terre fraîchement remuée ; là il s’agenouilla, et levant les yeux au ciel il fit une longue priere. Sa démarche me parut de bon augure pour le retour de sa raison, puisque cette marque de confiance envers l’Être suprême faisoit